universalisme de l’islam : unité et multiplicité

§ “ L’universalisme de l’islam : unité et multiplicité ” : communication à l’UNESCO, Pour un  Islam de Paix, Albin Michel, Question de n°126, 1999, p.57-66.

Au cours de ces derniers siècles, la culture islamique était globalement en position de repli. Une telle position de repli ne sied plus aujourd’hui, à l’heure où il faut, de façon urgente, donner une âme à la mondialisation. Cette réappropriation par les musulmans de l’islam plénier – qui est, peut-être, déjà en œuvre – ne peut survenir sans une prise de conscience radicale : celle de l’action conjuguée de l’Unité et de la multiplicité en islam et, au-delà, dans toute la création. Avons-nous, à ce jour, d’autre alternative que de percevoir simultanément, comme l’ont perçu les gnostiques de l’islam, l’Unité dans la multiplicité et la multiplicité dans l’Unité ? Sans cette vision enrichie, nous amputons le regard que nous portons sur le monde, sur l’islam, sur Dieu même. Si nous nous unifions, individuellement et collectivement, autour de l’axe du tawhîd, de l’adhésion intime à l’Unicité divine, nous nous sentons assez forts, assez structurés pour dialoguer avec le monde, pour nous frotter aux autres en toute sécurité. Les premiers musulmans vivaient cette axialité intérieure, qui leur a permis de porter l’islam jusqu’aux confins de la terre. 

Le soufisme et la France 

§  « L’attraction du soufisme », dans Histoire de l’islam et des musulmans en France, du Moyen Âge à nos jours, sous la dir. de M. Arkoun, Albin Michel, Paris, 2006, p. 827-836 (plus complet que l’article publié).

À partir des années 1970, on assiste à un développement très rapide de la présence du soufisme en Europe, et notamment en France. Plusieurs groupes soufis émanant des grandes voies – Shâdhiliyya, Naqshbandiyya, Qâdiriyya, Tijâniyya…- voient alors le jour. Cette expansion n’est pas une simple conséquence de l’émigration, car les cheikhs ‘‘orientaux’’ considèrent depuis longtemps l’Occident comme une terre providentielle…

Le soufisme d’Occident dans le miroir du soufisme d’Orient

§ « Le soufisme d’Occident dans le miroir du soufisme d’Orient », Actes du colloque international sur le Patrimoine spirituel et l’altérité, Mostaganem (Algérie), dans Annales du Patrimoine, 2006, p. 23-30.

Dans ce climat de « perte de sens », des Occidentaux cherchent dans les traditions spirituelles étrangères une regénérescence métaphysique et un ressourcement initiatique. Le colonialisme a au moins cet avantage qu’il met en contact, dans des circonstances certes conflictuelles, l’Occident et l’islam. Le soufisme, dimension intérieure de l’islam, s’avère donc une voie accessible et providentielle pour certains Européens. On peut avancer des noms, comme ceux du voyageur Richard Burton ou d’Isabelle Eberhardt, mieux connue en France. Mais il se trouvait également des Européens en quête de soufisme dans l’orbite de la Sanûsiyya, et peut-être dans l’entourage de l’émir Abd el-Kader.

Le culte des saints musulmans au Proche-Orient

§  “ Le culte des saints musulmans au Proche-Orient ”, Le culte des saints dans le monde musulman, Ecole française d’Extrême-Orient, Paris, 1995, p.33-60. Ouvrage traduit en langue indonésienne en 2007.

Sîdî al-Qabbârî (m. 662/1263), ou l’écologie de la sainteté

§ « Sîdî al-Qabbârî (m. 662/1263), ou l’écologie de la sainteté », paru dans le volume Alexandrie Médiévale 3, édité par le C.E.A. et l’IFAO, 2008, p. 183-190.

Le soufi, fils de son temps

§   Le soufi, fils de son temps, lors des rencontres de Ribat Shaker, Maroc, 2004, non publié.

Notre expérience quotidienne se forge donc en suivant les méandres de la petite réalité, de la réalité apparente, jusqu’à ce que l’on prenne conscience que tous ces indices ne sont autres que la Réalité, la Haqîqa du soufisme : « Nous leur montrerons Nos signes dans l’univers et en eux-mêmes jusqu’à ce qu’ils réalisent que c’est le Réel ». C’est la ruse (hîla) – ou la pédagogie, comme l’on voudra – employée par Dieu pour nous amener du piège des apparences vers la seule et unique Réalité. Il faut observer ces méandres sans s’y perdre, ne pas prendre le signe pour le Signifié, vivre les tribulations que comporte le cheminement en cette vie dans l’attention et l’humilité, car par là grandit l’expérience de la Voie.

Du dépassement de la raison dans le soufisme : doctrines et modalités

§  “ Du dépassement de la raison dans le soufisme : doctrines et modalités ”, Le Rationnel et l’Irrationnel, Académie « Beit al-Hikma » Tunis, p.165-178.

Le fait de voir Dieu par l’oeil de la foi et de la certitude nous a libéré de tout recours à la pensée discursive, disait Abû l-Hasan al-Shâdhilî (m. 656/1258), maître soufi bien connu à Tunis. La sphère de la sainteté s’étend au-delà du champ du mental, car elle est fondée sur le dévoilement spirituel (kashf). Cette dernière phrase a été prononcée par le « grand cadi » égyptien Zakariyyâ al-Ansârî (m. 926/1520), qui fut lui aussi un soufi…

Les voies d’accès à la Réalité dans le soufisme

A l’instar d’autres traditions ‘‘orientales’’, le soufisme voit le monde phénoménal comme illusoire lorsqu’il est envisagé en tant qu’entité autonome distincte de l’Être divin, mais comme  réel s’il est investi par le seul « Réel »/al-Haqq, Dieu. Le soufisme développe donc des méthodes de connaissance du Réel, telles que l’apophatisme (« L’impuissance à percevoir est en soi une perception »), la voie du paradoxe ou « union des contraires », l’extinction à l’illusion de notre ego (fanâ’)…

L’exégèse des Sagesses d’Ibn ‘Atâ’ Allâh as-Sakandarî

§  Préface à : Mohammad Saïd Ramadân Al Bouti, Paroles sublimes – L’exégèse des Sagesses d’Ibn ‘Atâ’ Allâh as-Sakandarî, Paris, Sagesse d’Orient, 2011, tome 1, p. 16-34.

Les Sagesses (Hikam) d’Ibn ‘Atâ’ Allâh (m. 1309) constituent assurément, au fil des siècles, le recueil d’aphorismes spirituels le plus connu, le plus médité, et le plus commenté. Elles ont été traduites dans de nombreuses langues, ‘‘islamiques’’ – dont le turc et le malais – et occidentales . Elles proposent en effet sous forme de sentences lapidaires, dans un style libre mais usant souvent de la prose rimée, une pédagogie initiatique s’adressant directement à l’âme humaine. La psychologie spirituelle qu’y distille l’auteur reste d’une étonnante actualité pour tout chercheur de vérité. L’enseignement coranique et muhammadien s’y trouve tellement intériorisé et implicite qu’il nécessite peu de références formelles dans le corps du texte.

Les « signes de la fin des temps » en islam

§ Les « signes de la fin des temps » en islam : enseignement et pistes d’interprétation, pour RENCONTRE ISLAM DHARMA : Les signes de la fin des temps ? 25 & 26 juin 2005, Maison de la Sagesse de l’Institut Karma Ling

Une grande figure de saint ummî : le cheikh ‘Alî al-Khawwâs (m. 939/1532)

§ « Une grande figure de saint ummî : le cheikh ‘Alî al-Khawwâs (m. 939/1532) », dans Le développement du soufisme en Egypte à l’époque mamelouke, Le Caire, IFAO, 2006, p. 169-176.

Si l’on admet que le tasawwuf n’est pas une science de l’irrationnel mais du supra rationnel, les saints ummî ne sont pas alors des «illettrés» – comme on le traduit généralement – mais des «sur lettrés». Peu importe qu’ils aient acquis ou non les codes humains en matière d’écriture ou de lecture, car là n’est pas l’essentiel. ‘Alî al-Khawwâs, qui nous intéresse ici, était, semble-t-il, analphabète, tandis que ‘Abd al-‘Azîz al-Dabbâgh (m. 1142/1720), qui illustre le mieux la sainteté ummî au Maroc, savait, quant à lui, lire et écrire. Leur singularité sur le plan spirituel réside dans la nature de la science dont ils sont gratifiés: la science innée (‘ilm wahbî), inspirée, «émanant de Dieu» (‘ilm ladunî)…

L’ÉVOLUTION SÉMANTIQUE DU TERME « TARÎQA »

§ L’évolution sémantique du terme « tarîqa », ou du passage du soufisme individuel au soufisme collectif, colloque de Bedjaia, Algérie, non publié.

La tarîqa représente dans le tasawwuf la voie (re)conduisant l’être humain de la norme extérieure (Sharî‘a) à la Réalité essentielle, sous-jacente à tout ce qui est créé (Haqîqa). Pour autant, les soufis ont investi différemment ce terme au cours des siècles. A l’origine, il s’agit de la « méthode spirituelle » propre à telle personnalité de l’islam ou aux pionniers du soufisme. A partir du  XIIe siècle se forment de grandes familles spirituelles autour du charisme d’un maître éponyme : quelles sont les raisons historiques de cette évolution de la tarîqa vers des « voies initiatiques particulières », qui restent fédérées en principe par la Voie muhammadienne ?

La voie du blâme : une modalité majeure de la sainteté en islam

§ « La voie du blâme : une modalité majeure de la sainteté en islam, d’après l’exemple du cheikh ‘Alî Ibn Maymûn al-Fâsî (m. 917/1511) », Saint et sainteté dans le christianisme et en islam – Le regard des sciences de l’homme (N. Amri et D. Gril dir.), Maisonneuve & Larose, Paris, 2007, p. 139-149.

La vie spirituelle, on le sait, est tissée de paradoxes, et elle en tire même sa pertinence, sous le regard parfois médusé des profanes. Dans l’histoire de la sainteté en islam, nul davantage que les Malâmatis n’a illustré ce phénomène. Ceux-ci poursuivent un but unique, qui est de préserver la sincérité et l’intimité de leur relation à Dieu, toujours susceptible d’être corrodée par la relation humaine horizontale. Cette exigence d’authenticité a emprunté deux voies chez les Malâmatis, deux modalités en apparence opposées.

L’Emir, modèle contemporain de l’ « Homme universel »

Fondateur du premier Etat algérien moderne, grand stratège militaire, chevalier des temps amers et héros magnanime, fin lettré rompu à la philosophie grecque et aux diverses sciences islamiques, humaniste ayant œuvré à la rencontre entre l’Orient et l’Occident, l’émir Abd El Kader fut tout cela, et bien plus. Le réduire à l’un ou l’autre de ces aspects serait le trahir, car tous prennent leur sens dans l’identité profonde de l’Emir : le spirituel musulman guidé par l’inspiration prophétique et le modèle muhammadien, le soufi ayant réalisé intérieurement l’universalisme du message islamique.

La doctrine du dhikr et du samâ‘ chez le cheikh Ahmad al-‘Alâwî (m. 1934)

§ « La doctrine du dhikr et du samâ‘ chez le cheikh Ahmad al-‘Alâwî (m. 1934), ou les vertus du silence », Des voies et des voix, Alger, 2007, p. 334-340.

Le rayonnement du cheikh algérien Ahmad al-‘Alâwî, de son œuvre et de la voie qu’il a fondée en 1914 à Mostaganem est encore très actuel, et il s’est prolongé bien au-delà de la tarîqa ‘Alâwiyya et de ses branches directes. Or, dans toutes ces ramifications, la pratique du dhikr et du samâ‘ est fondamentale.En outre, le Dîwân du cheikh, son recueil de poèmes mystiques, reste très présent : il est chanté selon diverses modalités dans maints groupes soufis du Maghreb, du Proche Orient et même d’Occident. D’évidence, le cheikh ‘Alâwî est l’héritier de la tarîqa Darqâwiyya, branche majeure de la Shâdhiliyya dont il a détaché sa propre voie. Le dhikr, dans sa forme collective de la ‘imâra, et le samâ‘ ou séance de chant spirituel, sont des rites majeurs dans la Darqâwiyya.

é Le traité de soufisme d’un disciple d’Ibn Taymiyya : Ahmad ‘Imâd al-dîn al-Wâsitî (m. 711 / 1311)

§ “ Le traité de soufisme d’un disciple d’Ibn Taymiyya : Ahmad ‘Imâd al-dîn al-Wâsitî (m. 711 / 1311) ”; Studia Islamica. n° 82, 1995, p.83-101.

II est des hommes que leur quête amène a faire des expériences multiples, a côtoyer des milieux divers, jusqu’à ce qu’ils étanchent leur soif et se stabilisent dans la modalité qui leur convient. Tel est le cas de nombreux soufis, qui pérégrinent aussi spatialement que spirituellement sur la Voie, avec le désir de parvenir a son terme comme seul viatique. Le Proche-Orient de la première époque mamelouke constitue un terreau particulièrement fertile pour ces pèlerins, car les émirs qui ont bouté Francs et Mongols hors de Syrie et d’Egypte y accueillent ulémas et fuqara orientaux comme occidentaux. Ils étendent sur eux leur protection et témoignent a leur égard de la bienveillance, voire de la déférence. Dans ce domaine pacifie et unifie, s’échangent les doctrines et les techniques spirituelles, apparaissent diverses sphères ou voies initiatiques.

L’attention soufie à la fragilité

§  « L’attention soufie à la fragilité », La fragilité : faiblesse ou richesse ?    (collectif), Albin-Michel, Paris, p. 195-209.

Il faut partir des sources scripturaires de l’islam (le Coran, et la Tradition du prophète Muhammad), pour mettre au jour cette dimension spirituelle, cette voie intérieure qu’est le soufisme. Sans perdre de temps, donc, je vous cite ce verset coranique qui concerne notre sujet. Il est dit dans la sourate 4 verset 28 : « Dieu veut alléger votre charge, vos difficultés, sachant bien que l’homme a été créé faible ». Il y a là une notion étymologique de faiblesse, de fragilité. D’emblée, l’homme est posé comme étant faible, à tous les niveaux de l’être.

Le pluralisme interne au soufisme et les relations avec les non-soufis

§ « Le pluralisme interne au soufisme et les relations avec les non-soufis », Le buissonnement monothéiste. Les régulations du pluralisme dans les religions du Livre. Approches socio-historiques et théologiques, Frédéric Rognon (dir.), Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2010, p. 173-182.

Par la diversité des tempéraments spirituels qui existe en son sein, par sa fluidité doctrinale et structurelle, par l’usage de la multiple affiliation initiatique ou encore par son caractère trans-social et transnational, le soufisme peut être considéré comme une école du pluralisme. Quant aux relations entre soufis et non soufis, elles dégagent une dynamique particulière dans la tension rémanente entre l’exotérique et l’ésotérique, entre les ‘‘docteurs de la Loi’’ et les soufis. Cette tension, cependant, s’est souvent transmuée en osmose, lorsque, sur le modèle de Ghazâlî, le ouléma était lui-même soufi.

QUELQUES THÈMES COMMUNS AU BOUDDHISME ET AU SOUFISME

§ Quelques thèmes communs au bouddhisme et au soufisme, dans Islam –  Dharma – Une rencontre à cœur ouvert, juin 2003, p. 155-163.

Le plus important ce sont les invariants spirituels qu’on retrouve dans toutes les traditions spirituelles. Je commence sur le thème de l’impermanence : le monde meurt et renaît à chaque instant. Il y a une profonde instabilité du monde phénoménal, et les maîtres soufis partent souvent d’un verset très court mais très allusif : Kulla yawmin Huwa fi sha’n : « …Chaque jour, Il est à l’œuvre. ». Et de là, des maîtres expérimentent, formulent le fait qu’il y a une succession ininterrompue de théophanies, ce mot qu’on a évoqué hier : « al-Tajalli ». Ces théophanies sont innombrables et prennent des formes innombrables. Nous sommes toujours dans le monde des formes. Et bien cela vient d’en haut, évidemment… D’en haut, d’en bas.

Jamā‘at al-‘adl wa l-ihsān of Abdessalam Yassine between Morocco and France

§  Jamā‘at al-‘adl wa l-ihsān of Abdessalam Yassine between Morocco and France, dans un colloque à Haifa, 2007, non publié.

As it appears in its name, the Moroccan Justice and Spirituality (Al-‘adl wa lihsān) Association is a “Sufīslamist” movement. I borrowed this expression from Alix Philippon. The latter is, under the direction of François Burgat, currently writing a PhD thesis untitled Le soufislamisme: l’invention paradoxale d’une nouvelle modernité politique en islam? In English: Sufislamism : the paradoxical invention of a new political modernity in Islam? His work deals essentially with the case of the Pakistani Minhaj-ul Quran. I took up this expression because I think Sufislamism is really appropriate to describe the Al-‘adl wa l-ihsān movement…

Théologie islamique et science contemporaine

L’expression « théologie islamique » ou « Islamic theology » est censée traduire, par souci de commodité, ce que représente la théologie chrétienne dans les deux principales langues occidentales, c’est-à-dire le français et l’anglais. À première vue, en effet, les visées de l’une et l’autre théologies sont similaires : il s’agit de présenter de façon systématique les éléments de la foi dans un langage audible et convaincant. Pourtant, la « théologie » n’a pas eu la même trajectoire dans les deux environnements respectifs.

Le haschich chez les soufis

§  « Le haschich dans les sociétés musulmanes du Proche-Orient médiéval, et en particulier chez les soufis : usages et contre-usages », dans Normes et marginalités (éd. par N. Abirached), P.U.S, 2010, p. 69-74.

D’après l’historien al-MaqrÍzÍ, le haschisch aurait été introduit au Proche-Orient (Égypte et Syrie) vers 1221, en provenance de l’Inde. Cette introduction est imputée à un certain Haydar, originaire du Bengale. Il était le cheikh d’un groupe de Qalenders venant de Perse (al-ZarakÍ, 1987 : 45; Rosenthal, 1971 : 49-53, 159-1601). Ces Qalenders, ou Qalandars, nous les connaissons notamment par les Mille et une Nuits.

Le soufisme au verdict de la fatwâ

§  « Le soufisme au verdict de la fatwâ, selon les Fatâwâ hadîthiyya d’Ibn Hajar al-Haytamî (m. 974/1567) », Le soufisme en Egypte et dans le monde musulman à l’époque ottomane, IFAO, Le Caire, 2010, p. 119-128.

Les hommes de religion dans le Moyen-Orient ayyoubide et mamelouk

§ “ Les hommes de religion dans le Moyen-Orient ayyoubide et mamelouk (XIIe-XIVe siècles ”, dans Histoires des hommes de Dieu dans l’islam et le christianisme, éd. Flammarion, 2003, p.93-108.

On peut rapidement esquisser un parallèle avec les trois ordres de l’Occident chrétien médiéval. Il y a d’abord la caste mamelouke étrangère, détentrice de la puissance militaire et politique; elle est désignée par l’expression arbâb al-suyûf (ceux qui portent l’épée). Il y a ensuite les lettrés, c’est-à-dire « ceux qui portent la plume » (arbâb alaqlâm), qui représentent l’élite civile; ils occupent les hauts postes administratifs, ou forment le vaste corps des ‘ulamâ’ , des « savants » détenant les charges religieuses; ces deux types de fonctions ne sont pas toujours bien délimités. Enfin, le gros de la population constitue la masse laborieuse des paysans, artisans et petits commerçants.

Le regard de quelques auteurs musulmans sur l’orientalisme français

§  “ Le regard de quelques auteurs musulmans sur l’orientalisme français ”, dans Tradition et modernité en Orient : l’inspiration française, « Publications Langues ‘O », INALCO, 2002, p.259-265.

Pourquoi les Orientaux – en l’occurrence les arabo-musulmans – ne pratiquent-ils pas davantage « l’occidentalisme » (al-istighrâb), pour donner le change aux orientalistes ? Cette question, Ahmad al-Shaykh, auteur égyptien contemporain, la formule à maintes reprises dans un ouvrage que nous évoquerons plus loin. Si les Orientaux n’ont pas de tradition d’étude critique de l’Occident, c’est pour des raisons similaires à celles qui expliquent la naissance de l’orientalisme, soit la domination de plus en plus affirmée, à partir du XVIIIe siècle, de l’Occident sur l’Orient. Pourtant, la situation a bien changé, en apparence du moins, depuis cet orientalisme classique que les musulmans percevaient comme un des avatars du colonialisme.

De l’influence d’Ibn ‘Arabî sur l’école shâdhilie égyptienne (époque mamelouk)

(communication en arabe à Marrakech), Horizons maghrébins n°41, Presses Universitaires du Mirail, Toulouse, 2000, p.83-90.

Le rayonnement de l’oeuvre akbarienne sur Abu 1-Hasan al-Shâdhilî (m. 656/1258) et ses successeurs est minimisée, sinon niée, par les auteurs modernes, tant arabes qu’occidentaux. Abu 1-Wafâ al-Taftâzânî par exemple, dans son livre Ibn ‘Ata Allah al-Sikandarî wa tasawwufu-hu, considère que «le soufisme des maîtres de l’école shâdhilie est totalement éloigné du courant akbarien et de sa doctrine concernant l’unicité de l’Être (wahdat al-wujûd)». Aux dires d’al-Taftâzânî, cela provient du fait que «les cheikhs shâdhilis se réfèrent uniquement au Coran et à la Sunna», ce qui implique donc à ses yeux qu’Ibn ‘Arabî contrevient aux sources scripturaires ! ‘Alî ‘Ammâr avait auparavant adopté la même position, affirmant qu’il n’avait trouvé «aucune allusion à Ibn ‘Arabî dans les propos d’al-Shâdhilî et d’al-Mursî». Paul Nwyia emboîte le pas à ces auteurs dans son ouvrage Ibn ‘Ata Allah et la naissance de la confrérie shâdhilite, où il assure : «… On ne peut pas dire qu’il [Ibn ‘Atâ’ Allah] ait des sympathies pour lui [Ibn ‘Arabî] ou qu’il ait subi son influence ».

Entre ésotérisme et exotérisme, les Shâdhilis, passeurs de sens  (Égypte – XIIIeXVe siècles) 

La « sobriété » (sahw) qui prédomine au sein de la Shâdhiliyya, sans pour autant estomper d’autres facettes de sa personnalité spirituelle, lui vient en partie de son héritage malâmatî 2. Elle suppose chez ses représentants une certaine maîtrise de l’expérience spirituelle, et de la parole qui en rend compte. Or, l’articulation entre cette expérience et son expression orale ou écrite est toujours délicate dans une société traditionnelle, normative par nature. Comme le dit l’adage, toute vérité n’est pas bonne à dire. Le tamkîn, la « maîtrise de soi », se signale chez l’individu par une aptitude à canaliser son état spirituel, à doser, à contrôler, voire à censurer l’extériorisation de celui-ci. Il ne faudrait pas croire, en effet, que les soufis « sobres », et en particulier les Shâdhilis, n’expérimentent pas l’ivresse (sukr), l’enstase (wajd) ou l’attraction divine (jadhb). Disons que leur éthique intérieure leur interdit de se complaire dans l’ivresse, en vertu du souci de lucidité qui les anime. Chez les Shâdhilis, cette éthique se mue en discipline spirituelle, puis s’érige en méthode pédagogique tournée vers autrui.

La mort du saint en Islam

Revue d’Histoire des Religions (P.U.F., Paris), n° 215-1, p.17-34 (actes d’une rencontre au Centre Thomas More, L’Arbresle), 1998.

L’étude du fait religieux ne s’appuie pas seulement sur les données historiques immédiates; elle doit également prendre en considération les doctrines et les comportements que celles-ci induisent. En matière de sainteté tout particulièrement, il est difficile de distinguer entre l’événement et sa représentation, d’abord parce que la sainteté échappe en définitive aux critères ordinaires d’analyse, ensuite parce que le filtre de l’hagiographie y est omniprésent. Le présent travail n’a donc pour but que de situer les types d’attitude des mystiques musulmans face à la mort, de façon à favoriser la perspective comparative qui anime cet ouvrage. Ces attitudes puisent évidemment leur fondement dans le Coran et le modèle prophétique, ce qui apparaîtra explicitement ou implicitement dans les lignes suivantes.

La voie du blâme : une modalité majeure de la sainteté en islam d’après l’exemple du cheikh ‘Alî Ibn Maymûn al-Fâsî (m. 917/1511)

La vie spirituelle, on le sait, est tissée de paradoxes, et elle en tire même sa pertinence, sous le regard parfois médusé des profanes. Dans l’histoire de la sainteté en islam, nul davantage que les Malâmatis n’a illustré ce phénomène. Ceux-ci poursuivent un but unique, qui est de préserver la sincérité et l’intimité de leur relation à Dieu, toujours susceptible d’être corrodée par la relation humaine horizontale. Cette exigence d’authenticité a emprunté deux voies chez les Malâmatis, deux modalités en apparence opposées. L’une consiste à chercher l’anonymat en s’occultant dans la société. Cet effacement place le Malâmatî dans la perspective de la servitude absolue (al-‘ubûdiyya), et constitue pour beaucoup d’auteurs soufis les prémisses de la sainteté (walâya). L’autre attitude part du principe que « celui qui est agréé par Dieu ne doit pas l’être par les hommes ». Le Malâmatî qui suit cette logique cherche donc à s’attirer le blâme (malâma) des humains qui l’entourent en transgressant ostensiblement mais en apparence seulement la Loi islamique ou la norme socio-religieuse établie (takhrîb al-zawâhir).

Al-ta‘addud fî l-islâm, aw al-wa‘î bi l-ukhriyya  (en arabe)

Revue Adyân – A Scholarly Journal, publié par the Doha International Center for Interfaith Dialogue, n° 0, Doha (Qatar), 2009, p. 36-43 de la partie arabe.

التعدد في الإسلام، أو الوعي بالآخرية

في رحم المبادئ الأساسية للإسلام، يطرح مبدأ التعددية نفسه، بشكل خارجي أحيانا (الإسلام في مواجهة الأديان والثقافات الأخرى)، وبشكل داخلي أحيانا أخرى (داخل الإسلام نفسه). ولكن ذلك لا يمنع من التوقف عند تعددية إيجابية، تقدّمها النصوص المقدسة، وبالتالي ينادي بها مرشدو الأمّة، وتعددية سلبية يتمّ الخضوع لها أكثر من تبنّيها، وهي تلك التي وقع استدعاؤهاتسليمافي تاريخ الإسلام كما في تواريخ الأديان الأخرى، وحملت معها كمًّا من الانشقاقات والتمزّقات (فتنة، ج. فتن.)

La doctrine du dhikr et du samâ‘ chez le cheikh Ahmad al-‘Alâwî (m. 1934), ou les vertus du silence 

Des voies et des voix, Alger, 2007, p. 334-340.

Le rayonnement du cheikh algérien Ahmad al-‘Alâwî, de son oeuvre et de la voie qu’il a fondée en 1914 à Mostaganem est encore très actuel, et il s’est prolongé bien au-delà de la tarîqa ‘Alâwiyya et de ses branches directes. Or, dans toutes ces ramifications, la pratique du dhikr et du samâ‘ est fondamentale. En outre, le Dîwân du cheikh, son recueil de poèmes mystiques, reste très présent : il est chanté selon diverses modalités dans maints groupes soufis du Maghreb, du Proche Orient et même d’Occident, et il suscite à l’heure actuelle des études universitaires . 

Le sacrifice d’Abraham 

Oumma 8 juillet 2022

Selon l’islam, le Coran est le point terminal de la Révélation pour cette humanité. Il se présente de fait comme la récapitulation et la synthèse des messages antérieurs, et maints récits bibliques y sont relatés de façon condensée et allusive. Le caractère sibyllin du « Livre », on va s’en rendre compte, apparaît nettement dans l’épisode du sacrifice d’Abraham. 

Cet épisode, évoqué dans la sourate 37, ressort au thème coranique de l’épreuve (balâ’), qui agit comme une véritable pédagogie spirituelle à l’adresse des croyants et à fortiori des prophètes : l’élection et l’investiture ont pour passage obligé la purification. Abraham (Ibrâhîm en arabe) a été choisi comme « ami intime de Dieu » (khalîl Allâh) parce qu’il a subi avec succès maintes épreuves. 

Métaphysique et modernité chez Abd el-Kader : la photographie comme théophanie

Abd el-Kader – Un spirituel dans la modernité, sous la direction d’E. Geoffroy, Albouraq (Paris) et Institut français du Proche-Orient (Damas), 2010, p. 155-166.

Abd el-Kader est contemporain de l’invention de la photographie, c’est-à-dire d’une des manifestations majeures de la modernité émergente. Or, si la photographie fut condamnée à ses débuts par les oulémas conservateurs, il a su placer d’emblée ce phénomène physique dans une perspective métaphysique. Disciple d’Ibn ‘Arabî, il professe la doctrine de la « théophanie » perpétuelle en ce monde. Pour lui, la photographie est une version moderne du miroir, au symbolisme tant travaillé par les soufis. Elle est un support actualisé de la théophanie. S’il s’est souvent prêté à l’objectif des photographes, Abd el-Kader semble aussi nous mettre en garde contre la fascination que l’image superficielle, idolâtrée, allait exercer dans le monde contemporain. 

Les références shâdhilies dans le Kitâb al-Mawâqif d’Abd el-Kader

Abd el-Kader – Un spirituel dans la modernité, sous la direction d’E. Geoffroy, Albouraq (Paris) et Institut français du Proche-Orient (Damas), 2010, p. 203-213.

Les nombreuses citations des maîtres shâdhilis qui émaillent le texte des Mawâqif sont telles des signatures du parachèvement initiatique qu’a constituée l’affiliation d’Abd el-Kader au cheikh Muhammad al-Fâsî. Elles témoignent également des affinités existant entre l’école shâdhilie et l’oeuvre d’Ibn ‘Arabî. Ces références ont trait pour l’essentiel à l’exégèse shâdhilie des sources scripturaires ; un tel souci herméneutique, on le sait, est bien le propos des Mawâqif. Parmi les thèmes mis en exergue par Abd el-Kader figurent la préférence pour la « nuit de la constriction » sur le « jour de la dilatation », la concentration sur Dieu seul et l’extrême méfiance à l’égard des faveurs surnaturelles, l’axialité de la Réalité muhammadienne et de l’héritage prophétique. 

Le paradoxe de la nature humaine, selon Rumi 

Célébration du 8OOe anniversaire de la naissance de Mawlana Jalal ed-Din Rumi,  UNESCO, Institut d’études sociales et culturelles, Téhéran, Iran, 2009, p. 59-63. 

« L’homme est quelque chose d’immense. En lui tout est inscrit, mais ce sont les voiles et les ténèbres qui l’empêchent de lire en lui cette science »

« Tu vaux plus que les deux mondes. Que faire ? Tu ne connais pas ta valeur… »

Rumi, Fîhi-mâ-fîhi

Dans l’ensemble de son oeuvre, Rumi proclame éminemment la dignité humaine. Il voit en l’homme le but de la création, et le point d’aboutissement du projet divin. Si l’homme est la dernière créature à être entrée dans l’existence phénoménale, c’est que les autres règnes (minéral, végétal, animal..) avaient pour tâche de préparer son avènement ; ils sont donc des moyens pour lui de parvenir à la perfection. A cet effet, Rumi prend l’image, bien connue, du jardinier qui, pour mener à terme sa récolte, doit d’abord préparer le sol, semer les graines, arroser, tailler, etc. 

Éva de Vitray-Meyerovitch, “Hawwa Hanim” (1909-1999), Rûmî’s French  interpreter

Communication en anglais à Istanbul, paru dans « International Mevlânâ Symposium Papers », Motto Project, Istanbul, III, 2010, 1239-1242.

To the French audience, Eva de Vitray-Meyerovitch’s name will remain for ever associated to Rûmî’s name. 

Eva de Vitray-Meyerovitch was born in 1909 in an aristocratic and very pious French Christian family. During her strict childhood in France, Eva began challenging the assumptions of her surroundings, and questioning received ideas at her parochial Catholic grade school where passive submission was often expected. She admired her Scottish Protestant grandmother for her puritan honesty, her insistence on telling the truth despite the difficulties that might entail. This grandmother converted to Roman Catholicism to marry her husband. Her granddaughter was in a way to follow in her footsteps. Eva did not hesitate, for example, to marry a Frenchman of Russian Jewish origin, because she was aware of the underlying spiritual connections between the religions. After her marriage to this Mr. Meyerovitch, she had to escape from Paris occupied by the Nazi troops, in 1940. 

Les voies d’accès à la Réalité dans le soufisme 

Selon l’épistémologie soufie, ni nos perceptions sensibles ni nos constructions mentales ne peuvent rendre compte de la Réalité. L’argumentation rationnelle, en particulier, est un outil qu’il faut à un moment délaisser pour accéder à une science d’ordre supérieur, inspirée, fruit du « dévoilement spirituel ». Ainsi, l’approche soufie de l’Unicité (tawhîd) se fonde sur une méta-physique puissante, englobante, mais toujours issue de l’expérience, de la « gustation ». A l’instar d’autres traditions ‘‘orientales’’, le soufisme voit le monde phénoménal comme illusoire lorsqu’il est envisagé en tant qu’entité autonome distincte de l’Être divin, mais comme réel s’il est investi par le seul « Réel »/al-Haqq, Dieu. 

Le soufisme développe donc des méthodes de connaissance du Réel, telles que l’apophatisme (« L’impuissance à percevoir est en soi une perception »), la voie du paradoxe ou « union des contraires », l’extinction à l’illusion de notre ego (fanâ’)… Quels sont les enjeux de la ‘‘résonance’’, constatée ici, entre la métaphysique islamique et la physique quantique ? En quoi, encore, cette métaphysique propose-t-elle un cadre d’investigation au scientifique contemporain qui soit plus ample que le terrain expérimental se fondant sur le seul monde phénoménal ? Un chose est sûre : la ‘‘pensée unique’’, qu’elle soit scientifique ou religieuse, est borgne car elle ne saisit qu’une facette de la Réalité. Spirituels et scientifiques devraient donc oeuvrer à faire émerger une science intégrale qui consacre l’alliance perdue entre raison et intuition. 

Pourquoi al-Ghazâlî a-t-il été rangé parmi les ‘‘soufis extrémistes’’ par  certains ? 

Colloque « Al -Ghazali aujourd’hui, pourquoi? » أبو حامد الغزالي في الذكرى المئوية التاسعة لوفاتهBayt al-Hikma (Carthage-Tunis), 2012, p. 650-660.

L’expression « soufis extrémistes » (gulât al-sûfiyya) a été employée par divers censeurs des époques médiévale et moderne par assimilation malveillante avec les « chiites extrémistes » (gulât al-shî‘a)1. Les ‘‘soufis’’ impliqués sont divers, car, surtout dans le domaine religieux, l’un est toujours excentrique ou hétérodoxe par rapport à l’autre, et vice-versa… Il s’agit tantôt de soit-disant ibâhiyya, personnes ayant rejeté l’astreinte de la Sharî‘a, tantôt de personnages pratiquant la « science ésotérique des lettres » (‘ilm al-hurûf) ou d’occultistes aux contours mal déterminés. Mais souvent aussi l’expression désigne, par des raccourcis pernicieux, « les partisans de l’Unicité » (ashâb al-wahda) – c’est-à-dire de « l’unicité de l’Être » (wahdat al-wujûd) – ou pire, « ceux qui professent l’union de substance entre Dieu et sa créature » (al-ittihâdiyyûn). Ces soufis sont supposés être adeptes d’une mystique taxée de « philosophique » (al-tasawwuf al-falsafî), rejeté par ces censeurs, par contraste avec le soufisme dit « éthique » (al-tasawwuf al-akhlâqî) des Anciens.

Sidi  al-Qabbari (m. 662/1263), ou l’écologie de la sainteté

Le pluralisme en islam, ou la conscience de l’altérité

Dans Valeurs d’Islam, volume collectif commandé par la fondation Fondapol (dir. Dominique Reynié), P.U.F., Paris, p. 17-46. Traduit en arabe

Le comportement de certains individus ou groupes se réclamant indûment de l’islam – nous pensons notamment au prétendu État islamique d’Irak et de Syrie – force le questionnement à propos de l’attitude de cette religion vis-à-vis des non musulmans et du pluralisme religieux en général.

La réalité contemporaine fait émerger, de fait, un contraste saisissant entre, d’une part, les principes énoncés par le Coran, appliqués par le Prophète et, dans une large mesure, par les sociétés musulmanes du passé, et, d’autre part, leur négation, leur inversion, par les usurpateurs actuels des valeurs essentielles de l’islam. Pour y voir clair, il faut donc partir de ces principes scripturaires qui, à l’échelle des siècles, ne sont pas restés voeux pieux mais ont globalement été incarnés par les musulmans jusqu’à ces dernières années. 

The Contribution of Sufism to the Construction of Contemporary Europe’s Islam

In Modern Islamic Thinking and Activism – Dynamics in the West and in the Middle East, Leuven University Press, Leuven (Belgique), 2014, p. 77-88.

 If we want to define correctly the current role of Sufism in Europe, we have to go back to the Middle Ages, as we have known for the last few decades that Islamic spirituality had something of an influence on medieval Christendom. For instance the legend of the female saint Râbia al-‘Adawiyya (d. 801), who lived in Irak, reached the court of Saint Louis, in France, and the Divine Comedy by the Italian author Dante Alighieri (d. 1321) bears the mark of the story of the heavenly Ascension of the prophet Muhammad (Mi‘râj). Furthermore, the mystical doctrine of Saint Theresa of Avila and of Saint John of the Crew, in sixteenth Century Spain, may have borrowed some elements from Maghrebo-Andalusian Sufism.

L’écriture académique est-elle objective ?

Revue saoudienne Les Essentiels de Maqalid, Paris, mars 2013, n°1, p. 51-58.

Il existe, en particulier, dans le milieu des chercheurs en sciences humaines ou sociales, un présupposé selon lequel l’intellectuel détiendrait à lui seul l’objectivité scientifique. Il serait un observateur neutre, étudiant des « sujets », c’est-à-dire des êtres ou des phénomènes soumis à la subjectivité, comme l’induit la langue française. Or, l’individu objectif est censé, au moment de porter un jugement, abandonner tout ce qui lui est propre (idées, croyances ou préférences personnelles) pour atteindre l’universalité. Or, cette ‘‘universalité’’, nous le savons, est le plus souvent une émanation de la modernité européenne qui a émergé vers le XVIIe siècle… Cette conception utopique, appelée par Thomas Nagel le « point de vue de nulle part », a été remise en question, surtout à partir des années 1960 et 1970, pour des raisons de principe et de pratique. 

Spiritual Realization (al-tahqîq) through Daily Awakening

In Journal of the Muhyiddin Ibn ‘Arabî Society, n° 53, Oxford, p. 37-47.

To begin with, I focused my research on the incidence and usage of the Arabic word tahqīq, or tahaqquq, although needless to say my investigations were not exhaustive. When we look through Islamic literature, we notice that during the first few centuries of Islam the word tahqīq does not appear as such in Sufi literature but was used much more by Arabic philologists, such as Sībawayh, or Islamic philosophers or theosophists (falsafa), such as The Brethren of Purity (Ikhwān al-Safā), Avicenna or Ibn Tufayl.2 In these fields al-tahqīq was more to do with the wisdom that human beings may acquire during their lives through the enlightenment of the intellect (ʿaql).

Sayyida Nafîsa (« dame Nafîsa »), sainte (La Mecque, 762 – Le Caire, 823)

Dans le collectif Les femmes mystiques – Histoire et dictionnaire, Robert Laffont, Bouquins, p. 746-748.

Arrière petite-fille de l’imam ‘Alî (cousin et gendre du prophète Muhammad, mort en 661), Nafîsa bint al-Hasan est membre directe des Ahl al-Bayt (« Famille du Prophète »). Elle grandit à Médine, où elle se maria en 777 avec un cousin éloigné. Le couple eut un garçon et une fille. 

Depuis son jeune âge, puis avec son mari, Nafîsa effectua jusqu’à trente fois le pèlerinage à La Mecque (hajj), parfois même à pied. À l’issue de l’un de ses voyages, en 808, le couple décida d’aller s’installer en Egypte, où vivait déjà sa cousine Sakîna. Cet exil était motivé principalement par les expéditions menées par le calife abbasside al-Mansûr (mort en 775) et ses successeurs contre les descendants du Prophète établis à Médine. 

The ‘Cosmism’ of Islam as a Possible Response to the Current Ecological Crisis

In Protecting Nature, Saving Creation – Ecological Conflicts, Religious Passions, and Political Quandaries, Giorgio Cini Foundation, Venice, Palgrave Macmillan ed, New York, 2013, p. 139-148.

In the Islamic view, the whole creation is endowed with life because it comes from “the Ever Living”, which is a major divine Name. The fundamental unity of the universe stems from the Islamic principle of Oneness (Tawhîd), as does the awareness that all creatures are interdependent. We can find evidence of Islamic “cosmism” in the titles of the 114 suras of the Koran, which refer to all the realms of Universal Manifestation: 

the astral (Star, Moon, Thunder, Storms, the Sundered Sky, the Zodiacal Constellations, the Sun…); 

the mineral (the Cave, Mont Sinai, Iron…); 

the vegetable (the Fig Tree – but in the Text, the tree and the ear of wheat are the favourite parables); the animal (the Heifer, Cattle, Bees, Ants, the Spider, the Elephant…); 

invisible beings (Angels, jinns…); and of course the human realm. 

La paix passe-t-elle par une ère messianique

Revue Religions/Adyan (Doha International Center for Interfaith Dialogue), Qatar, 2016, p. 64-73.

Pour un nombre croissant d’humains ou de groupes humains, il n’y aura de paix possible sur terre, à l’échelle collective, que dans la grande Paix messianique annoncée par de nombreux textes des différentes religions, en particulier les religions monothéistes. Face au constat d’un manque de projet pour la civilisation humaine présente et à venir, face aux désordres et déséquilibres globaux, beaucoup considèrent que l’humanité va devoir traverser une période de bouleversements majeurs avant de connaître l’ère où « le loup habitera avec l’agneau » (Ésaïe 11:6). Certains tentent même d’accentuer le chaos ambiant pour précipiter la survenue de cette ère. Du nihilisme contemporain et de la confusion généralisée sortirait donc la véritable et définitive paix. C’est la logique jusqu’au-boutiste suivie par les chrétiens évangélistes américains new born, dont l’ex-président des Etats-Unis George W. Bush, par un nombre croissant d’Israéliens qui préparent matériellement le troisième Temple qui devrait prendre place sur l’Esplanade des Mosquées de Jérusalem, et même par des juifs qui ont rejoint Daesh, parce que cette entité, à leurs yeux, précipite précisément le chaos qui va faire venir le Messiah… 

Pas de [fausse] pudeur en religion !’ : l’érotisme chez les savants musulmans anciens

Dans Educations sentimentales en contextes orientaux, éd. par M. Bizais et S. Schaal, Presses Universitaires de Strasbourg, 2019, p. 373-383.

« Pas de [fausse] pudeur en religion ! » (lâ hayâ’ fî l-dîn). Cet adage bien connu en milieu musulman n’a apparemment pas de fondement scripturaire : on ne le trouve ni dans le Coran ni dans les propos du Prophète. Toutefois, il émane directement, comme on le verra, du vécu et de l’enseignement de Muhammad. Il est notamment utilisé chez les savants du droit musulman (al-fuqahâ’), lorsqu’ils abordent les questions relatives à l’hygiène intime et à la sexualité, surtout en présence de femmes. Il reflète l’éthique générale de l’islam, éthique intégrale qui, du moins en théorie, n’opère pas de scission entre l’esprit et la matière, l’esprit et la chair. « Dieu ne répugne pas de proposer en parabole [aux hommes] un moucheron », nous dit le verset coranique 2 : 26. Concernant les rapports entre l’esprit et la chair en islam, Abdessamad Dialmy constate avec justesse que « l’initiation spirituelle se fait par l’initiation sexuelle, et vice versa. Les deux ordres vont de pair : en Islam, point d’antinomie entre Éros et Logos ».

The Eternal Feminine in Sufism: Readings of Ibn ‘Arabī and Emir Abdel-Kader

Revue Religions/Adyan (Doha International Center for Interfaith Dialogue), Qatar, 2016, p. 56-63.

While Ibn ‘Arabī (d. 1240) is known as the “greatest master” (al-shaykh al-akbar) of the spirituality and esotericism of Islam, the Emir Abd el-Kader (‘Abd al-Qādir al-Jazā’irī, d. 1883) is better known for his uprising against the French occupation, between 1832 and 1847. Yet, he was brought up in a Sufi environment and always declared that his spiritual vocation came before all else. As testified by many episodes of his life and numerous visions, he was a disciple of Ibn ‘Arabī, across the centuries. As we shall see, both are “Muḥammadan heirs” in the sense that all their formulations with respect to the Feminine and woman emanate from what is called “Muḥammadan Presence” in Sufism.

Al-Suyûtî as a Sûfî

Dans Al-Suyûtî, a Polymath of the Mamlûk Period – Proceedings of the themed day of the First Conference of the School of Mamlûk Studies – Foscari University, Venice, June 23 2014, ed. Antonella Ghersetti, Brill, collection Islamic History and Civilization, 2016, p. 8-14.

In al-Suyūṭī’s times, in the 9th/15th century, the Muslim scholar steeped in Sufism had become a somewhat familiar figure. Drawing from the great tradition of al-Junayd and al-Ghazālī, he merged within himself exoteric sciences and esoteric sciences, argumentative approach (al-istidlāl wa l-burhān) and intuitive discipline (al-kashf wa l-‘iyān). The path had already been prepared by a large number of ‘ulamā’ mostly following the Ash‘arī creed and belonging to the Shāfi‘ī school of law. They constantly used the scholarly status they earned in various Islamic sciences in order to stress the superiority of spiritual knowledge and Sufism. 

Jalāl al-Dīn al-Suyūṭī1 was undoubtedly the most prominent scholar involved in taṣawwuf of the Mamlūk era, and he acted as a pioneer in this field. However, in as much as is possible, we need to consider whether al-Suyūṭī did in fact have tasted mystical experiences or whether he merely claimed to have done so, for we know that he claimed his prevalence in a lot of disciplines. 

Pauvre Yunus Emre !

Revue Ultreïa n° 17, 2019, p. 8-20.

Le triomphe de la culture ottomane a contribué à l’oubli de l’oeuvre d’un des plus grands poètes turcs. Celle-ci a subsisté des siècles durant, cachée et chantée dans les confréries et les milieux populaires, avant de ne réapparaître dans la culture officielle qu’en 1855.

Yunus Emre, maître soufi singulier qui proclamait “Aimons, soyons aimés”, reste méconnu en Occident et parfois incompris en Turquie alors qu’il fut l’un des plus grands mystiques du XIIIe siècle…

Fragments rimbaldiens

Revue Conscience Soufie n°2, p.28-30.

Dans les jours qui précèdent sa mort à Marseille le 10 novembre 1891, Arthur Rimbaud répète sans cesse « Allah Karîm » (« Dieu est généreux »). Ce témoignage provient de sa soeur Isabelle, qui a pourtant tenté de présenter son frère comme un bon chrétien. Sans préciser ici dans quelle confession son frère se serait éteint, elle écrit de Marseille à leur mère : « Ce n’est pas un pauvre malheureux réprouvé qui va mourir près de moi : c’est un juste, un saint, un martyr, un élu ! ».

Rimbaud, un des plus grands poètes de la littérature universelle, un des grands esprits de l’âme française, musulman ?